Les Iles Sous le Vent
En route pour le Sud : halte à Saint-Kitts (3/04 - 7/04/2011)
Il m'arrive de me demander quelquefois ce que je suis venue faire dans cette galère...Antoine a bien pensé la route pour descendre
vers Saint-Kitts, fonction des prévisions météo qui pour une fois se sont avérées parfaitement exactes. Cela ne nous a pas empêchés
de nous faire secouer comme des pruniers pendant 24 heures, à marcher toujours au près serré dans une mer hâchée. Et bien sûr,
toujours des petites choses qui cassent : le rivet qui tient le pontet d'écoute de GV et le 1er guide de l'enrouleur de génois.
Rien de grave, en tout cas, rien qui ne puisse être rapidement réparé par le capitaine avant de continuer notre descente vers le Sud.
Nous sommes passés au vent de Saba, dont les falaises abruptes qui se dessinent dans le soleil levant sont très impressionnantes, dont
le village haut perché ainsi que les centaines de marches pour y monter laissent supposer que la vie doit y être assez "rude". Nous avons
louvoyé entre les pétroliers au stand-by sous le vent de Statia, attendant leur tour de déchargement au large du terminal. La vision de Statia,
Saint-Kitts et Nevis en enfilade rappelle les volcans d'Auvergne, avec leurs vallons en pente douces et vertes chargées
de culture ou de forêt tropicale, leurs multiples cratères couronnés de nuages.
L'arrivée à Saint-Kitts est assez sportive : beaucoup de vent qui accélère dans les reliefs, une meteo capricieuse et du slalom entre les casiers.
Nous devons impérativement mouiller devant la capitale Basse-Terre pour effectuer les formalités d'entrée. C'est aussi le point de rendez-vous
que nous avons fixé avec Wahoo. Le mouillage ouvert s'annonce rouleur et il deviendra carrément insupportable dans la nuit et matinée suivantes
alors que nous subissons le passage d'un front. Bienvenue de nouveau au sein de l'Arc Antillais avec ses grains et son vent instable ! Nous
visitons la ville de Basse-Terre avec ses incontournables : le musée, l'horloge, le square de l'indépendance et ses maisons coloniales, le
terminal d'accueil des paquebots...Nous allons discuter avec l'équipage du
Bel Espoir, ,
qui laisse les enfants monter à bord pour une petite visite de ce vieux gréement. Basé pour la saison en Martinique, le bateau de l'association
du Père Jaouen embarque des jeunes pour des croisières "initiatiques". Chacun met la main à la pâte : peinture, voilerie, mécanique, cuisine...
En ce moment, c'est étape à Saint-Kitts pour que de jeunes guadeloupéens perfectionnent leur anglais. Puis ce sera une virée aux Saintes et en
Dominique avant la traversée atlantique retour.
En fin d'après-midi, nous retrouvons Wahoo que nous avions quitté début novembre à Bonaire. Le lendemain, alors que Mario et Antoine terminent
les formalités, Emilie et moi sommes de matinée CNED au milieu des vagues. Les enfants sont un peu amorphes...Au retour des capitaines, nous
pouvons enfin décoller pour rejoindre une baie plus calme. Tant pis pour la visite complète de l'île - nous aurons raté les ruines du fort
de Brimston Hill et la ligne de chemin de fer du Nord-Ouest - mais la houle a raison de notre patience. Nous jetons notre dévolu sur
White House Bay, où nous sommes bien sûr accueillis par le traditionnel grain de bienvenue, histoire de bien rincer le bateau et de tester
notre résistance aux manoeuvres par 30 noeuds ! Une fois les éléments apaisés, nous pouvons nous balader autour du gigantesque marais salant
qui occupe le Sud de l'île et sur les plages de galets, snorkeler dans les rochers et faire un peu de kayak (grâce à wahoo qui est bien équipé).
Nous passons aussi quelque temps en longue discussion autour de nos périples respectifs, échangeant nos impressions et meilleurs plans sur
les endroits qu'il reste à découvrir à chaque bateau, Iles sous le Vent pour Scorff, USVI, Puerto-Rico et République Dominicaine pour Wahoo.
Chacun fait une nouvelle provision de bouquins, Elisa et Cléo échangent leurs cours d'anglais (drôle d'idée des parents !). Puis nos routes se
séparent de nouveau, chacun continuant vers son prochain objectif.
Mignonne petite Nevis (7/04 - 9/04/2011)
Avant de continuer notre voyage vers la Guadeloupe, nous faisons étape à Nevis, petite île toute ronde au Sud de Saint-Kitts avec
laquelle elle constitue une fédération. Elle aussi est dominée par son volcan, quasiment toujours couronné de nuages blancs.
Nous mouillons près d'une très longue plage de sable gris, à 500 mètres de la ville de Charleston. La petite capitale est très
dépaysante avec ses bâtiments en grosses pierres grises, comme en Bretagne nord ! Le gris se marie bien avec les premiers étages
en bois coloré de style créole. La fierté de la capitale est sa grande bibliothèque surmontée d'une vieille horloge. Le mouillage
devant la plage est agréable. Au bout de cette même plage, il y a un bar sympathique qui outre son WiFi, offre aux enfants quelques
jeux qui leur permettent de se défouler en fin d'après-midi : trampoline, toboggan, baby-foot...
De quoi les occuper pendant que les parents
savourent leur Carib devant le coucher du soleil.
Parce qu'il y a bien quelque chose à fêter : même si cela sera difficile de nous en séparer, il semble que nous ayons réussi à vendre
notre cher bateau. Nous avons rendez-vous en Martinique fin avril avec un acheteur motivé puisque nous avons signé un compromis. Certes, tout
n'est pas définitif car il reste l'expertise à passer mais si celle-ci est concluante, nous laisserons Scorff à son nouveau propriétaire
début mai. Mais nous ne rentrons que fin juin. Nous avons donc prévu de louer un autre bateau pour continuer notre voyage. Nous avons
demandé le même à la société de location qui nous avait vendu notre Lavezzi. Nous finaliserons la réservation en Guadeloupe. Nous
voici donc à moins d'un mois d'une probable séparation et d'un déménagement. L'idée a mis quelques jours à s'installer mais dans la
mesure où notre voyage n'était qu'une parenthèse, il vaut peut-être mieux que les choses soient réglées avant notre retour en France...
Si tout se passe bien, nous rentrerons l'esprit plus léger et le portefeuille moins vide.
Une semaine en Guadeloupe (10/04 - 17/04/2011)
Après 20 heures de navigation depuis Nevis, nous avons atterri aux Saintes le dimanche 10 avril au matin. Encore du bon vent pour ce parcours,
sauf, bien sûr, à l'arrivée sous le vent de la Guadeloupe. Nous avons visé les Saintes pour pouvoir remonter vers Le Gosier le lendemain, près
de Pointe-à-Pitre, qui se situe au milieu du papillon dont les ailes sont formées par Grande Terre (à l'Est) et Basse Terre (à l'Ouest).
Aux Saintes, nous retrouvons Le Bel Espoir et Parle Avec le Vent. Nous avons visité le Bourg des Saintes l'après-midi, pendant qu'Antoine
récupérait de la navigation de nuit. Nous y reviendrons avec Charlotte, l'amie de Valentine.
Le lendemain, nous remontons vers le Gosier, un petit îlet tout près du Petit Cul de Sac Marin, bordé d'une grande caye et orné d'un beau
phare rouge et blanc. Commence une semaine de pluie battante sans vent : le ciel est complètement bouché, les averses se succèdent, entrecoupées
de crachin genre normand. Nous retrouvons Pauline qui nous rend visite sur le bateau avec Eugénie. Malgré le temps maussade, nous faisons
une percée à la plage.
Il est ensuite temps de rentrer en marina pour préparer le bateau à l'arrivée de notre invitée. Antoine doit aussi faire quelques
réglages sur les moteurs. Nous
avons quelques petites réparations (resserrer des chandeliers, remettre un peu de joint, resserrer le trampoline)
à effectuer avant la vente, un peu de grand nettoyage (les fonds, tiens !), 4 grandes lessives et un
grand avitaillement à faire avant de nous rendre à l'aéroport.
Après l'arrivée de Charlotte, nous entreprenons les visites. Au programme, aquarium - histoire de bien vérifier que nous avons déjà tout vu
sous l'eau - , cascade des écrevisses, accrobranche dans le Parc des Tappeur, visite du parc des Mamelles et tour de Grande Terre.
Par contre, les alentours de Pointe-à-Pitre sont loin de mériter un quelconque commentaire si ce n'est celui de banlieue bien à la française...
Comment gâcher le paysage ?
Les enfants sont ravis de retrouver l'ambiance de marina, surtout quand il y a un bon marchand de glaces et de gaufres. Les courses sont aussi
un grand moment : on se rue sur le camembert et la baguette. Après neuf mois, nous n'avons pas su résister.
La forêt tropicale est superbe sur Basse-Terre. La rivière dans laquelle
plonge la Cascade aux Ecrevisses est large et propice à l'escalade. Le parcours d'accrobranche satisfait tous les participants. Raphaël a pris
beaucoup d'assurance et se débrouille avec son matériel. Lucas, perché dans le sac à dos, aide à remonter les ateliers. Le parc des Mamelles
est parfaitement inscrit dans l'environnement. Le sentier est aménagé dans la forêt, avec de nombreuses passerelles, ce qui fait le bonheur de
Lucas qui parcourera en marchant les trois-quarts de la visite. Il y a également un chemin dans la canopée, à 25 mètres de hauteur, ce qui permet
de se promener juste au-dessous de la cîme des arbres pour les plus grands. Les petits bénéficient eux aussi d'un trajet tortueux, avec toboggans,
passerelles et ponts de singe. Même Lucas s'y essaie sans crainte.
Grande-Terre, sur laquelle nous nous aventurons le lendemain est bien différente. Plate et au vent, elle est tournée vers les plages. Nous visiterons
Saint-François, village tourné à la fois vers la pêche et le tourisme, dont la marina et le golf respirent un petit goût de luxe, avant de nous
rendre à la Pointe des Châteaux pour grimper sur le sentier des Mornes avant de pique-niquer sur les rochers battus par la houle de l'Atlantique.
Un petit détour pour nous baigner dans les lagons, dans une eau chaude et délicieusement claire, et nous retournons au bateau après un arrêt dans la
petite ville du Moule. Il est temps de reprendre le cours des visites par la mer.
Marie-Galante (17/04 - 19/04/2011)
Après une étape au Gosier, nous prenons la mer pour nous rendre à Marie-Galante, grosse pierre ronde posée à l'Est de la Guadeloupe.
La navigation se fait au moteur, par un grand soleil, sans vent. Après quelques hésitations (l'île étant ronde, il s'agit d'estimer
le mouillage qui sera le moins rouleur), nous décidons de mouiller au Nord-Ouest, dans la baie de Saint-Louis. C'est moins calme qu'au
Gosier mais cela reste très supportable pour Charlotte, ce qui est l'essentiel. Nous pêchons un petit barracuda. Nous l'avons mangé
après avoir questionné les pêcheurs de Marie-Galante : "j'en mange tous les jours, et cela ne me gratte pas !"
Dès le lendemain, nous partons en vadrouille pour parcourir ce petit plateau couvert de champs de canne à sucre. La culture sucrière
de l'île est omniprésente, ainsi que l'élevage bovin. En parfaits touristes, nous flânons dans les petites rues de Grand-Bourg et
parcourons les ruines de l'habitation Murat, dans un magnifique parc avec vue sur la mer. C'est l'occasion de montrer aux enfants
la façon dont on obtient du sucre à partir de la canne et également du rhum puisque nous visitons la distillerie Bielle en activité.
Un peu "roots" cette distillerie avec le bruit assourdissant des broyeurs, les fumées de la chaudière et les écoulements de déchets de
canne. On fait remarquer aux enfants que les conditions de travail, même mécanisées, restent difficiles, notamment en raison de la température
ambiante. A côté, la "boutique" de dégustation sent le marketing bien pensé. Des cuisinières de l'île ont aussi monté leur petit business
de vente de spécialités culinaires locales au pied du comptoir, sur des tréteaux de bois :
pendant que les parents goûtent le rhum à 60°, les enfants essaient
les accras, les feuilletés de poulet, boeuf épicé, morue, noix de coco et le gâteau au sirop de batterie (un des premiers sirops obtenus
avant purification).
Avec nos provisions, nous allons pique-niquer sur la magnifique plage des Feuillères, au bord du lagon de Capesterre, petite ville aux toits
rouges qui contrastent avec le bleu profond de la mer. Sincèrement, une des plus belles plages qu'il nous ait été donné de voir au cours
de ces dix mois. Et nous avons foulé le sable de beaucoup de plages...Les enfants font du toboggan sur la petite dune qui finit dans la mer.
Ils rechignent à quitter ce bel endroit pour aller marcher sur le sentier des Sources, promenade qui nous emmène à travers les champs de canne
au sommet d'un morne calcaire. A la grande joie de Lucas et de Raphaël, nous rencontrons beaucoup de boeufs,
qui servent encore à tirer les charrettes chargées de canne.
Le retour s'effectue à travers la forêt, le long d'un petit canyon et pour la dernière partie le long de la
rivière Saint-Louis, accompagnés par le bruit des oiseaux et des insectes. Une autre façon de découvrir ce petit écrin de nature au charme gentiment décalé.
Retour aux Saintes (19/04 - 21/04/2011)
Après la belle étape de Marie-Galante, nous reprenons la route des Saintes. Toujours au moteur sous un soleil écrasant. Le vent
reste timide, ne permettant qu'un léger appui du génois. Les enfants sont ravis, la mer étant belle, ils sont autorisés à voyager
à l'avant du bateau, sous ma surveillance étroite ("comme au Venez' " soulignent-ils).
Nous mouillons cette fois-ci à l'abri de l'îlet Cabrit. L'eau est transparente, un peu émeraude, comme aux Vierges. La plage est de
sable gris. Nous sommes mouillés tout près ce qui permet à notre fine équipe de s'y rendre à la nage. Durant les deux jours que nous
passons ici, la baignade et la poterie seront les occupations principales des têtes blondes (et brune). En effet, Ulrich, un Bordelais,
comme son nom ne l'indique pas, vit sur l'île, dans un cabanon assez rustique et y a son atelier de poterie. Il fait partager gentiment
sa passion à tous ceux qui passent et surtout aux enfants. Il "récolte" son argile au flanc de la colline, lorsqu'il pleut. Son truc,
ce sont les figures aux traits négroïdes, qu'il appelle Céribe (Céramique des Caraïbes). Raphaël et les filles s'initient au tour de
potier manuel et réalisent chacun un petit pot et des pendentifs. Le bateau est maintenant garni de choses qui cassent...
Nous repartons ensuite pour Terre-de-Haut, l'île principale des Saintes. La matinée sera consacrée aux petites emplettes souvenirs
dans les multiples boutiques qui garnissent la rue principale du Bourg, au grand dam d'Antoine qui passe son temps à nous attendre.
En cette veille de week-end pascal, le village est très animé,
d'autant plus que la ministre de l'Outre-mer(?) y est attendue dans la journée. Il y a foule au mouillage, au ponton à annexes, et sur le
quai des ferries. Tout le monde s'émerveille de nos 5 enfants (Cinq !!!), de leur sourire, de leur gentillesse et ... de notre courage !
Certains s'inquiètent, surtout les équipages étrangers, de s'ils vont à l'école...
L'après-midi, nous partons à pied pour la plage de Bompierre, dont on fait l'éloge. A notre arrivée, nous sommes assez déçus...
La plage est sale, l'eau verdâtre, comme stagnante, pleine d'algues et il y a des méduses... Charlotte en fait l'amère expérience. Mais la
balade au milieu des biquettes (cabrits) était sympathique. Pour récompenser nos marcheurs, une glace s'impose. Qui a dit que ce n'était pas
les vacances ?
La boucle est bouclée (22/04 - 27/04/2011)
Nous terminons notre séjour en Guadeloupe avec Charlotte par un dernier mouillage à Terre-de-Bas, aux Saintes. Il y a beaucoup moins de monde
qu'à Terre-de-Haut. Le petit port de pêche est tranquille. Nous faisons une petite visite du Bourg agrémenté d'un déjeuner dans le lolo
d'Eugénette. Les enfants apprécient moins le poisson grillé et les lambis que les hamburgers frites...Nous avons dû rater leur éducation
culinaire cette année ! A moins que ce ne soit le fait de manger plus rudimentairement sur le bateau qui les ait fait espérer que chaque
halte au resto devait se conclure comme au Mac'Do !
Le lendemain, nous remontons sur le Gosier, pour redéposer Charlotte à l'aéroport de Pointe-à-Pitre. Encore une navigation au moteur.
Panne d'alizée comme ils disent dans le bulletin météo du Crossag. Nos quinze jours en Guadeloupe auront été sans vent : une semaine sous la
pluie et une semaine de grand soleil. Charlotte n'aura pas expérimenté la marche à la voile...Espérons que nous ne ferons pas au moteur les 130
milles qui doivent nous mener en Martinique.
Nous voici de retour en Martinique après 9 mois, 2500 milles, sans doute plus d'une centaine de mouillages...La Martinique ne fait pas
partie des îles sous le vent mais c'est notre escale technique pour la vente du bateau. Nous
retrouvons le Marin et ses grains... Le voyage n'est cependant pas terminé.
Nous avons fait la route depuis l'Ilet du Gosier en Guadeloupe, en passant au vent de la Dominique et de la Martinique, côté océan,
histoire d'avoir
du vent régulier. Nous avons fait du près non stop pendant 6 mois, nous ne savons plus régler le bateau à une autre allure !
Quand au travers, il file à plus de 9
noeuds dans la nuit, nous jouons la prudence et prenons un ris dans la GV. Mon quart de nuit, en grande partie
au portant, est le plus agréable que j'ai eu à faire en ces
9 mois de balade : j'ai même lu une partie de la nuit, relevant la tête toutes les trois pages pour scruter l'horizon et vérifier le cap.
Arrivés à la pointe Sud de la Martinique, Antoine aperçoit au loin le souffle d'une baleine. Nous l'apercevrons de nouveau à deux reprises
mais nous n'aurons pas la chance de la côtoyer de près.
Arrivés au Marin, nous apercevons Nomad et apprenons que Kalika est à Saint-Anne. Nous espérons les voir un peu. Nous nous mettons au ponton pour
la gestion de l'expertise qui a lieu en partie aujourd'hui et vendredi (sortie de l'eau). Mauvaise nouvelle : les haubans sont à changer...espérons
que cela ne va pas être un problème pour la vente...La bonne nouvelle est que cela ne nous a pas menés au démâtage, mais pas question de repartir
toutes voiles dehors sans réparation.
Il pleut, il pleut bergère... (27/04 - 29/04/2011)
Nos séjours au Marin sont décidément tous humides ! En juillet dernier, cela pouvait se justifier. En ce moment, cela paraît
surréaliste : il pleut des torrents sans discontinuer depuis deux jours. Le ciel est complètement bouché. Antoine est occupé à gérer les petites
réparations demandées par l'acheteur, Raphaël a retrouvé Titouan de Nomad et les Kalika se sont installés au mouillage devant le
port de pêche. Ils préparent leur transat retour. Lorsque la pluie est vraiment trop intense, tout le monde ronge son frein, enfermé
sur le bateau. On retrouve les moments désagréables où l'ennui finit par laisser la place à l'énervement.
Aujourd'hui, nous avons sorti Scorff pour l'expertise des coques. Pas de mauvaise surprise cette fois-ci. L'acheteur a trouvé les coques
très propres. Il avait réservé un kärcher pour les nettoyer mais il l'a annulé dès que le bateau a été soulevé. Bravo à Valentine,
la reine du carénage. Il semble bien donc que la vente soit conclue. Reste le côté administratif et la "remise des clés", normalement
mardi 3 mai au soir. Nous allons commencer les cartons.
Adieu Scorff ! Bonjour Rumba (30/04 - 05/05/2011)
Voilà, c'est fait. Après quelques rebondissements financiers et administratifs, nous avons vendu Scorff. Après un week-end
très pluvieux au mouillage, nous avons regagné le ponton n°3 de la marina - d'où nous étions partis il y a 10 mois - pour procéder
au déménagement. Nous nous sommes amarrés au côté de Rumba, le Lavezzi II que nous avons loué. Toutes nos affaires ont été passées
d'un pont à l'autre pour rejoindre quasiment le même emplacement dans le bateau de location, qui est identique à Scorff, si ce
n'est à quelques détails près, dont la couleur des boiseries, qui sont plus claires. Nous avons récuré Scorff pour que son nouveau
propriétaire puisse s'y installer.
Puis nous avons pris nos marques sur Rumba : Antoine a procédé à toutes les vérifications d'usage et sait convaincre les techniciens
du loueur, très efficaces au demeurant, d'effectuer les réparations et réglages nécessaires. C'est plus facile quand on sait parfaitement
de quoi on parle. Nous avons fait changer le thermostat du
frigo, désemmêler les bosses de ris qui faisaient des noeuds dans la bôme, régler le pilote, changé la patte d'oie, rallongé le
mouillage (30 mètres de chaîne non mais on rêve !)...Nous testons
actuellement les consommations d'énergie et la qualité des batteries. Par certains côtés, Scorff était bien fiable et bien équipé.
Sur d'autres points, nous avons gagné un peu de confort : cabines plus lumineuses, la gazinière qui fonctionne mieux, l'annexe neuve,
qui malgré un moteur moins puissant, va plus vite...Raphaël, en fin connaisseur, trouve par contre que le trampoline de Scorff était bien
mieux pour faire le kangourou. Nous nous acharnons donc depuis hier à retendre celui de Rumba, qui est neuf.
Nous verrons aussi le comportement en navigation et au mouillage de notre nouvelle demeure.
Nous sommes soulagés d'avoir vendu le bateau avant de regagner la France et de retrouver notre vie d'il y a un an. Cela fait un souci de moins
à gérer en rentrant. Malgré tout, ce matin, lorsqu'il a quitté le ponton avec son nouveau propriétaire, nous avions tous le coeur un peu
serré...beaucoup de souvenirs restent attachés à cette double coque blanche et son annexe jaune.
Le nouveau propriétaire s'appelant Day et Scorff étant un Lavezzi, son nouveau nom pourrait bien être "La..zy Day".
Salon Nautique et Saison des pluies (05/05 - 07/05/2011)
Après encore deux jours à attendre les documents originaux de vente de Scorff pour les signer, de façon à ce que le nouveau propriétaire
puisse effectuer la mutation de propriété, nous pouvons enfin quitter le ponton du Port du Marin. Nous décidons de mouiller encore une
nuit dans le coin pour aller assister aux manifestations du Salon Nautique le lendemain matin.
Nous subissons encore les caprices du temps puisqu'il se remet à pleuvoir à seaux tout l'après-midi que nous passons au mouillage. L'avantage,
c'est que nous récupérons quantité d'eau de pluie. Comme nous n'avons plus de dessalinisateur, c'est plutôt bienvenu, d'autant plus que l'eau
est actuellement parfaitement claire, sans sable ni autres particules.
Le Salon Nautique du Marin est assez modeste : la brocante est minimaliste mais nous pouvons assister aux démonstrations de yoles, kawas et
gommiers (barques traditionnelles construites d'un seul tenant dans un tronc d'arbre du même nom) qui ont lieu sur la petite plage
du Marin. L'équilibre incertain de ces embarcations me fait penser que le pied marin doit effectivement signifier quelque chose.
Nous visitons également à la grande joie de
Raphaël la vedette de la SNSM, dont l'équipement et le fonctionnement nous sont décrits par un bénévole, anciennement pompier professionnel de
Paris. 50 interventions par mois en saison sur la Martinique qui compte trois vedettes pour couvrir l'intégralité de ses côtes. Les équipages,
d'astreinte sur une durée d'une semaine, sont exclusivement des bénévoles...avec chacun bien sûr une spécialité utile : mécanicien, infirmier,
pompier, sauveteur...Leur financement est pour moi un mystère, il faudra que je me renseigne. C'est une chose de ne pas payer les équipiers
mais l'équipement et son entretien, eux, sont extrêmement coûteux. L'association s'arroge-t-elle la règle de 50% de la valeur des navires dus pour les sauvetages ?
Qui paie ? Les assurances ?
Un peu de recherche en perspective. Raphaël s'en fiche, il admire le treuil, le girophare, les moteurs surpuissants...
Retour à Sainte-Anne (07/05 - 09/05/2011)
Avant de faire route vers le Nord, nous offrons aux enfants une halte à Sainte-Anne, pour profiter de la plage et des jeux gonflables
de l'Anse Caritan, qu'ils avaient bien appréciés l'été dernier. Avant les réjouissances, nous leur imposons une visite du petit
village, dans lequel nous n'avions pas encore débarqué. Tout tourne autour de la place de la petite église, située dans l'axe du ponton.
C'est aussi le 8 mai : nous écoutons d'une oreille distraite la cérémonie de commémoration de l'Armistice de la 2ème Guerre Mondiale.
Occasion de faire quelques rappels historiques.
Le soleil fait de nouveau son apparition et nous découvrons la baie de Sainte-Anne sous de nouvelles couleurs. La Martinique sait
apparemment également présenter la palette des bleu-vert que l'on peut voir sur toutes les affiches du métro parisien qui vantent les
vacances sous les tropiques. Il était temps ! Revenir au mouillage, c'est également retrouver la liberté qui fait le charme de notre voyage
depuis tous ces mois. On revit dans la nature avec parcimonie, et on respire...
Baie de Fort-de-France (09/05 - 11/05/2011)
Nous avions peu visité les rivages de la Martinique en juillet dernier. Nous nous étions arrêtés aux Anses d'Arlet avant de partir sur
Sainte-Lucie, pressés que nous étions de mettre cap au Sud. Les Anses d'Arlet ne nous avaient pas laissé un souvenir impérissable. Pour remonter
vers la Dominique, nous prévoyons une halte dans la baie de Fort-de-France et une halte à Saint-Pierre au Nord.
Ce matin, nous visons l'Anse Noire, à l'entrée de la Baie de Fort-de-France, au Sud de l'îlet à Ramiers. Le temps est très beau mais il n'y
a pas assez de vent pour avancer à la voile. Nous parcourons donc aux moteurs la quinzaine de milles qui séparent Sainte-Anne de notre objectif.
Nous passons entre la côte et le célèbre Rocher du Diamant, îlot élevé au rang de Navire de sa Royale Majesté par les Anglais, qui y installèrent,
au début du 19ème siècle,
leurs canons pour pilonner systématiquement pendant près d'une année et demie, les navires français qui croisaient dans le coin. Pour nous, c'est
l'occasion de tenter de deviner les formes que la roche découpée peut bien dessiner : tête de mort, tête de chien, tête de lion, ...rien du tout ?
Nous sommes contents d'avoir choisi l'Anse Noire. Toute petite crique au sable noir, bordée de palmiers et agrémentée d'un ponton en bon état,
d'où l'on peut s'amuser à plonger, elle nous offre encore un nouveau visage de la Martinique : celui des mouillages tranquilles, peu fréquentés,
où l'eau est transparente et foisonne de bancs de sardines qui s'agglutinent par milliers sous les quillons du bateau.
Le lendemain, nous changeons de style, en nous installant à l'Anse à l'Ane. L'avantage de cette anse, c'est qu'elle est assez tranquille, malgré
un certain nombre de bateaux à demeure sur corps morts et qu'à partir de son ponton, on peut rejoindre Fort-de-France en navette rapide en une vingtaine
de minutes. Pourquoi ne pas mouiller directement à Fort-de-France ? Parce que le mouillage est agitée par lesdites navettes, beaucoup plus nombreuses,
et qu'en ces temps de vent plutôt Est-Sud Est, le clapot s'ajoute aux vagues des navettes. Pour dormir (et accessoirement travailler pour les enfants),
l'Anse à l'Ane est bien plus confortable.
Nous nous offrons donc un aller-retour en "petit ferry" dans la capitale de la Martinique. Fort-de-France a l'air d'un chantier
permanent : le front de mer a été entièrement réaménagé et c'est une promenade bien agréable que l'on parcourt en faisant un détour par le grand
parc de la Savane où trône la statue - sans tête - de Joséphine. Le parc est immense, lui aussi bordé d'une promenade "moderne" où se
dressent dans de jolis petits bâtiments de petits snacks et restaurants.
Les rues sont une alternance de bâtiments neufs, à l'architecture très contemporaine, de monuments rénovés ou en cours de rénovation - cachés parfois
par de très laides palissades de chantiers - de maisons délabrées ou encore très laides, sans aucun style si ce n'est celui du concours du mauvais goût.
La Cathédrale Saint-Louis et la Bibliothèque Schoelcher sont des bâtiments remarquables : les structures en fer du début du 20ème siècle en font
des constructions assez pures avec un charme auquel nous ne restons pas complètement insensibles. La découverte de Fort-de-France est donc plutôt
une bonne surprise.
Saint-Pierre, (re)née de ses cendres (11/05 - 13/05/2011)
Halte à Saint-Pierre pour une immersion dans le passé de la Martinique : faste et tragique. Nous commençons par parcourir la ville à
pieds. Les ruines des entrepôts, du théâtre et de la prison sont facilement repérables, amoncellement de pierres grises. Les enfants
sont volontaires pour visiter le petit musée. La gardienne, caissière et guide nous fait un petit topo historique sur la ville qui
nous permettra de mieux situer et comprendre les événements qui firent que Saint-Pierre fut rayée de la carte le 8 mai 1902, par l'explosion
de la Montagne Pelée.
Le lendemain, nous offrons aux enfants la visite de la ville en petit train. Nous pensons que l'attraction principale sera précisément juste
le fait de monter dans le petit train. Si nous avons droit à quelques commentaires, nous serons chanceux. En fait, cette visite commentée
est une excellente surprise : le guide est passionnant et réussit à nous montrer les "dessous" du passé de la ville qui fut appelée autrefois
la perle des Antilles ou encore le Petit Paris des Antilles. La vue des ruines prend un autre visage, ainsi que celle des bâtiments reconstruits
à partir des décombres, ce que seul un oeil attentif peut découvrir en examinant les façades. Les enfants sont fascinés par l'histoire de
Cyparis, que l'on dit être le seul survivant de la grande catastrophe, parce qu'il était enfermé dans le cachot de la prison. Les anecdotes qui
romancent l'Histoire sont le meilleur moyen pour retenir et garder mémoire des événements. Chaque enfant conte d'ailleurs dans son journal de bord
bord ce qui l'aura le plus marqué dans cette visite.
La fin de notre séjour à Saint-Pierre a été marquée par le côté désagréable de certains Martiniquais, qui contraste bien avec l'amabilité de notre guide
du matin et celle du propriétaire du bar sur la plage devant lequel nous sommes mouillés et chez qui nous avons pu remplir nos bidons d'eau à
boire. La première palme revient à la matrone de l'Office du Tourisme, dans lequel on effectue également les clearances, qui surveille d'un oeil
noir les enfants alors qu'ils consultent les brochures et me demande de reposer le Livre d'Or : je n'ai pas le droit de le lire, seulement d'y
ajouter un commentaire ! Qu'ont donc bien pu écrire les autres visiteurs ? Combien elle était insupportable ?
La deuxième palme est remise au gardien du Centre de découverte des Sciences de la Terre : les enfants ont envie d'en savoir plus sur les volcans.
Nous décidons donc de marcher les 3 km nécessaires pour arriver au Centre. Nous sommes confiants, arrivant vers 15h30 pour une fin des visites à 17h.
C'est là que le gardien nous explique qu'il ne nous laissera pas entrer - alors que les caisses ferment à 16h - car le dernier visiteur vient de
partir et qu'en une heure et demie, nous n'aurons pas le temps d'apprécier la visite, qui nécessite au moins trois heures. Nous en restons abasourdis.
Vive le tourisme en Martinique ! Perdre des visiteurs payants pour pouvoir rentrer chez soi plus tôt...
La troisième palme est décernée aux pêcheurs de Saint-Pierre qui tapent sur la coque du bateau à 5h30 du matin le lendemain pour nous signifier de
dégager car nous sommes sur leur zone de pêche et ils doivent travailler eux ! Mais nous sommes cinq bateaux à mouiller sur la même zone ...Certes,
mais ils veulent mettre leurs filets et casiers sous le nôtre : nous avons 5 minutes pour lever l'ancre, nous avons assez traîné ! Impossible de
gratter 30 minutes pour ne partir qu'à 6h, heure à laquelle nous avions de toute façon prévu de partir pour la Dominique. Nous avons eu sans doute
droit à cette manifestation de mauvaise humeur parce que notre bateau est à présent un bateau de location. Et ce même si cela faisait deux jours que nous
étions au même endroit et que ces pêcheurs avaient largement eu le temps de nous voir ; même si nous étions descendus discuter sur la plage et leur
avions même dit bonjour...
Après ces échanges aimables, nous ne regrettons pas de quitter la Martinique. Sans a priori particulier, nous venons de vivre ce que plusieurs
équipages croisés nous ont témoigné : c'est dans les îles françaises que l'on est le plus mal accueilli. En ce qui nous concerne,
c'est surtout la Martinique qui a montré le plus de mauvaise humeur acr au palmarès précédent, je pourrais ajouter une des serveuses du Mango
Bay, la boulangère et la lavandière du Marin ! En Guadeloupe, nous n'avions par contre rencontré que des sourires...
Roseau et l'humide Dominique (13/05 - 16/05/2011)
Retour aux îles sous le vent suite à notre incursion en Martinique. Après une navigation assez tranquille, ponctuée par les danses
des très nombreux dauphins (de petits gris au ventre blanc) et la parade d'une baleine (coucous de loin), nous arrivons dans la baie
de Roseau, capitale de la Dominique. La Dominique est l'une des îles à l'aspect les plus hostiles de l'arc antillais. Elle est bordée
de falaises au vent et la côte sous le vent n'offre aucun bon abri. Tous sont plus ou moins exposés à la houle. C'est une île très
montagneuse qui compte sept volcans dont quattre dits "semi-actifs", très humide puisque son relief "accroche" les nuages...(il n'y a
pas moins de 365 rivières sur ce petit territoire - une pour chaque jour - ). Elle paraît tellement sauvage que Christophe Colomb n'a
pas daigné y débarquer au XVème siècle et que les français et les anglais qui s'y sont aventurés se sont violemment heurtés aux
indiens caraïbes, un peu comme dans toutes les îles, si ce n'est qu'ici, ils ont réussi à survivre, tellement le terrain leur était
favorable. Ils ne sont plus que 3.000 aujourd'hui sur un peu plus de 70.000 habitants mais c'est la seule île où subsiste une communauté.
Le mouillage de Roseau n'est pas idyllique mais c'est un bon point de départ pour une visite du Sud de l'île : routes escarpées, cascades
(enfin) de bonne taille au milieu de la dense forêt tropicale, sources d'eau chaude et sulfureuse, gorges plus qu'étroites, eaux bouillonnantes...
Tous ces sites naturels permettent aux plus courageux de se lancer dans des randonnées dignes des meilleurs sentiers GR et aux plus paresseux de profiter
des spas naturels que la population locale exploite intelligemment.
La capitale, qui compte 20.000 habitants, nous a un peu rappelé Saint-George à Grenade (sans le fort car il n'y a pas de colline surplombant
la mer) : les rues sont assez typiques d'une ville caraïbe qui a été sous influence anglaise, avec maisons créoles et beaux vieux bâtiments
de pierres grises, assez austères mais rehaussés de couleurs vives (rasta bien sûr).
A Roseau, nous avons retrouvé l'équipage suisse de Parle Avec le Vent, que nous avions croisé en République Dominicaine, aux Saintes et
aperçu au Marin mais avec lequel nous n'avions pas encore eu le temps de vraiment faire connaissance. Les deux bateaux ont repoussé leur
départ de 24 heures pour que les enfants s'amusent et que les parents discutent. Après ces bons moments passés ensemble, dont un après-midi
de baignade intensive pour les têtes (toutes) blondes, nos routes se séparent : Rumba (c'est nous !) continue son voyage vers le Nord et Parle Avec le vent
retourne vers le Sud, avec pour objectif final Grenade.
Salisbury : la pêche miraculeuse (16/05 - 18/05/2011)
Nous avons décidé de tenter le mouillage de Salisbury, que nous ont conseillé les Kalika. Si la houle devient difficile à supporter,
nous pousserons jusqu'à Portsmouth, mais à part le vent à 25 noeuds la 2ème nuit, le mouillage s'est avéré plutôt confortable.
Dans cette belle anse de sable noir bordée de végétation dense et au Nord de laquelle sont basés les pêcheurs, c'est la vie tranquille :
on tente sans succès la pêche à la ligne, on fait l'école, un peu de cuisine, on va à la plage cueillir les noix de coco, Antoine ayant
décidé de faire le singe.
Et on admire l'adresse et la patience des pêcheurs au filet : après une matinée complète passée à déployer à divers endroits de la baie
leur immense filet, à l'aide d'un gommier - la barque -, de gros bras - basés sur la plage - et de rabatteurs - armés de palmes, masque et
tuba, ils remonteront sur la plage, en début d'après-midi, sous une pluie battante, des kilos et des kilos de petites sardines frétillantes
Ils se partageront rapidement la prise et vendront le reste à même la plage aux habitants du village accourus à la bonne nouvelle.
Portsmouth : poursuite de la découverte de la Dominique (18/05 - 21/05/2011)
Plus que ses rivages, c'est l'intérieur de la Dominique elle-même qui fait son attrait. Les Dominicains sont parfaitement organisés
pour proposer à toute personne qui débarque la visite de l'île et de ses sites naturels protégés. A Prince Rupert Bay, au Nord, les
barques de "yacht services" se précipitent sur chaque bateau qui entre dans la baie. Nous avons un contact avec lequel on nous a
conseillé de "travailler". Il nous organise la visite classique, mais nous ne sommes pas non plus à la recherche de sensation forte -
nous en avons parfois assez en nav' -.
Rivière Indienne, rivages Nord et Nord-Est, réserve caraïbe, forêt tropicale, piscine d'Emeraude, cascades, rivière Layou. Nous revenons
enchantés des découvertes et des paysages si sauvages et si luxuriants. De plus, nos guides ne sont pas avares en vulgarisation botanique.
Nous pouvons observer des dizaines d'essences, de fruits, de fleurs, dont nous ne retiendrons certainement pas tous les noms, mais sans doute
au moins les couleurs. Toutes les espèces sont "plus grosses" : le climat ici leur permet de s'épanouir pleinement.
De même, en ce qui concerne les sites naturels, ils sont tous "plus" : la mangrove de la Rivière Indienne est plus terreuse, plus fouillie,
que celles observées jusqu'alors. Les rivages atlantiques sont plus abrupts. Les cascades sont plus hautes et le débit, en ces temps de forte pluie,
bien plus impressionnant, nous interdisant la baignade dans Emerald Pool, qui était lorsque nous l'avons vue semblable à un torrent d'eau brune.
La promenade qui nous guide jusqu'à la cascade Spanny est des plus humides : nous marchons dans l'eau qui dévale le sentier et passons sous des murs de
végétation qui dégoulinent.
Nous avons traversé des villages aux cases et aux maisons colorées, des champs de bananes, des vergers de fruits exotiques (fruits de la passion,
oranges, pamplemousses, ananas,...), des cocoteraies, ...longé les gorges abruptes de la rivière Layou, goûté les galettes de manioc et noix de coco cuites
au feu de bois et le poisson fumé aux bananes bouillies...Malgré les trombes d'eau qui n'ont pas permis de baignades dans les cascades, nous avons plein
les yeux des paysages qui ont servi de décor aux deux derniers épisodes de Pirates des Caraïbes - ça, c'est pour faire genre car nous n'avons pas
vu les films, mais les Dominicains en sont fiers - . La Dominique est en tout cas un petit paradis pour les amoureux de la nature sauvage. On dit que
la banane et le tourisme constituent l'économie de l'île. Il y a aussi les Chinois : tiens les revoilà ; ici ils construisent stade et routes,
avec leurs propres matériels et ouvriers, apparemment. En échange de quoi ? Personne ne voudra nous le dire.
Nous terminons notre séjour à Portsmouth par la visite de Fort Shirley dans le parc des Cabrits. Ce fort construit par les anglais, inscrit dans
la quasi-jungle, domine la baie de Prince Rupert au Sud et la baie de Douglas au Nord. La vue sur le canal qui sépare les Saintes de la Dominique
est imprenable. Aucun combat ne sera livré dans ce fort, tout juste assistera-t-on de loin à la fameuse bataille des Saintes entre les Anglais et les
Français, pour la domination de la chaîne d'îles qui va de Sainte-Lucie à la Guadeloupe. Outre les pierres volcaniques de la région, le fort a été
aussi érigé, comme beaucoup de bâtiments à l'époque avec les pierres importées d'Europe qui servaient de ballasts aux navires qui traversaient
l'Atlantique presque vides. Peu de bâtiments ont été restaurés. Ensuite, il s'agit d'un jeu de piste pour retrouver les vieilles pierres au milieu de
la forêt tropicale.
La nuit qui précède notre départ voit défiler quantité d'averses violentes. La matinée qui suit n'est guère plus réjouissante. Nous assistons à
un véritable déluge. Les rivières qui se jettent dans Prince Rupert Bay ont un flot énormément grossi et charrient, outre des torrents de boue,
quantité de branches, troncs d'arbre et autres déchets moins naturels. L'eau de la baie devient petit à petit marron et pas uniquement au bord du rivage.
Le flux chargé de terre atteindra l'ensemble de la baie dans l'après-midi, lorsque nous la quitterons après avoir tout de même réussi à faire nos
courses au marché de Portsmouth en fin de matinée, marché tout à fait accueillant avec de très beaux et bons produits locaux. Nous avons même trouvé
des haricots verts pour 1€ le kg (!).
Terres connues (21/05 - 27/05/2011)
Nous avons donc quitté la Dominique sous un temps chahuté, ce qui nous a permis de rallier les Saintes rapidement. Quasiment pour
la première fois, nous revenons donc sur nos pas. Nous atterrissons à Terre-de-Bas, dans l'Anse Fideling. Une éclaircie en fin d'après-midi
nous permet de mettre pied à terre. Revenir dans des mouillages connus donne une saveur différente au voyage. Après l'incessante première
découverte, c'est donc plus un temps pour savourer et observer les détails. Nous avons donc l'intention, puisque le beau temps revient
enfin, de "flâner" quelques jours aux Saintes.
Nous revenons mouiller à l'îlet Cabrit. Surprise : il y a maintenant des bouées...La Guadeloupe se met au style Vierge ? D'après Ulrich,
le potier, il y en aura bientôt 160 sur l'archipel. Pour le moment, elles sont gratuites et encore bien belles puisqu'elles ont moins d'une
semaine...C'est vrai qu'aux Saintes, certains mouillages sont en eaux profondes, la bouée facilite donc la vie, surtout en saison. Après la
séance de poterie et peinture, c'est baignade en eaux claires. Cette fois-ci, nous monterons au Fort Joséphine (de vraies ruines, il ne reste
vraiment plus grand chose) tout en faisant provision de merises (miam, merci Ulrich pour le tuyau !). Pas de vrai mouillage plaisir sans
barbecue sur la plage : nous clôturons donc notre séjour à l'îlet par des saucisses et bananes plantains grillées. Pas de poisson car nous
n'avons rien pêché.
Les petits plaisirs continuent puisqu'Antoine et moi nous offrirons notre premier dîner en amoureux au restaurant depuis un an au Bourg des
Saintes. Avant de repartir vers Pointe-à-Pitre, nous décidons de visiter la baie de Marigot, agréable car il n'y a absolument pas de houle
en ce moment. Il fait tellement bon que nous passerons tout l'après-midi dans l'eau, autour du bateau et à la petite anse que les enfants
ont surnommée l'anse aux Pirates, avec ses rochers escarpés et les trous dans la roche qui suggèrent que peut-être un trésor y est caché.
Nous avons aussi rencontré des saintois qui fabriquent des casiers de pêche : grillage et bois d'Inde. Un grand casier immergé à 40 ou 50 mètres
a une durée de vie de 6 à 7 mois. Vu le nombre de ces pièges rencontrés le long des rivages, nous comprenons le stock que nous avons sous les
yeux !
Nous faisons ensuite étape à Pointe-à-Pitre pour les corvées d'usage, avitaillement et lessive. Nous arrivons la veille du jour férié sans doute le
plus respecté ici : le 27 mai, jour de commémoration de l'abolition de l'esclavage en Guadeloupe (en Martinique, c'est le 23). A Pointe-à-Pitre,
que nous décidons de visiter ce jour-là,
c'est opération "ville-morte" !. Même le MacDo est fermé ! La place de la Victoire devrait normalement s'animer en fin d'après-midi puisqu'une
scène est en train d'être montée...Le musée Schoelcher est tout de même ouvert, mais nous sommes les seuls visiteurs. La collection d'objets donnés
par le député abolitionniste au Conseil Général de Guadeloupe est intéressante parce qu'elle est mise en scène de façon à conter et raconter cette époque
d'exploitation des hommes par les hommes et le courant de pensée qui a souhaité mettre fin à celle-ci dans les colonies françaises.
En explorant les rues, on trouve encore de très belles demeures au style colonial et créole. Mais le chantier de rénovation de la sous-préfecture
de la Guadeloupe n'est pas encore ouvert...
Une merveille de Petite Terre (28/05 - 31/05/2011)
Avant Antigua, escale à Petite Terre. Choix déterminé par la date : nous ne voulions pas attendre au Gosier de pouvoir passer le pont de la
Gabarre, que nous n'aurions pu passer que le lundi matin aux aurores. Nous ferons un certain nombre de milles en plus mais pour une bonne cause :
une escale dans
un véritable petit paradis, qui nous fait penser au Venezuela, enfin, côté lagon, parce que côté au vent, c'est la Bretagne et ses récifs !
Malgré le haut niveau de fréquentation le week-end, nous adorons cette escale qui garde un côté sauvage.
Le lagon nous offre quelques
bonnes parties de PMT - où quand on a de la chance, on nage avec des requins nourrices dont certains de bonne taille -. La petite balade qui mène au
phare et au bord de la côte au vent est une découverte de chaque pas : le phare est antique à souhait - le plus vieux de Guadeloupe -,
les espèces végétales - dont les fières
agaves qui ne fleurissent qu'une fois, mais quelles fleurs ! - offrent des couleurs dignes des plus belles landes bretonnes et les
iguanes sont on ne peut plus arrogants - des iguanes des Antilles s'il
vous plaît, avec leur beau jabot.
La réserve naturelle regorge aussi d'oiseaux exotiques et marins : colibris, sucriers, sternes et huitriers,...
Bref, une des bonnes surprises de la Guadeloupe, dont décidément les dépendances sont de vrais petits trésors.
English Harbour et la SAMU's Cup (31/05 - 02/06/2011)
Nous abordons Antigua par le célèbre Port-Aux-Anglais, la base de la flotte anglaise aux Antilles aux 17ème et 18ème siècles. L'entrée est
marquée par les colonnes d'Hercule et les baies profondes cernées par la mangrove s'organisent autour du Nelson's dockyard, ancienne base de
réparation des navires anglais, restaurée pour devenir le berceau du charter et monument national. Tout est ici très "british Navy", mais
façon tropique, au milieu des palmiers.
Antigua est réputée pour concentrer les plus beaux yachts des Antilles. Mais à notre arrivée, la saison est terminée, c'est donc un peu mort...
Nous traversons la bande de terre pour tenter d'apercevoir les yachts dans Falmouth Harbour. Les grands pontons sont déserts. Seuls trois grands voiliers
luxueux sont égarés là. Mais ce serait sans compter la SAMU's Cup, qui, pour ses 20 ans, s'est portée de l'autre côté de l'Atlantique. De retour à
English Harbour, nous retrouvons la quarantaine de bateaux, certes pas des yachts, et ses participants amarrés au ponton du dockyard ou mouillés près de
notre catamaran. Ambiance garantie !
Raphaël quémande un Jolly Roger et en échange, se voit octroyer un sabre, un crochet et quatre foulards rouges pour aborder les navires que nous
croiserons. Nous assistons le lendemain au départ de l'étape du jour. Nous encourageons Garches IV à la VHF, puisque ce sont eux les donateurs des
bonnets de chirurgiens. Un concurrent malheureux, Garches I, ne prendra pas le départ, le temps de dégager son ancre prise dans les multiples
chaînes coulées dans English Harbour, chaînes qui servaient à maintenir les ancres des bateaux en cas d'ourangan et dont les emplacements ne sont
pas physiquement indiqués, même si elles sont mentionnées dans le guide de navigation local. De quoi apporter du business aux plongeurs d'Antigua !
C'est aussi ici que Cléo achève le CNED, avec sa dernière évaluation d'histoire-géo. Le temps que Valentine termine elle aussi les évaluations de sa
dernière séquence et les profs improvisés pour une année seront enfin en vacances !
Green Island : plage et lagon (02/06 - 04/06/2011)
A l'Est et au Nord d'Antigua, de grandes barrières de récifs protègent d'immenses lagons parsemés de cayes. L'eau y a cette couleur
incomparable, dégradés de verts et de bleus, même si le snorkeling y est un peu décevant. Nous mouillons au Nord de Green Island dans l'Est de
Non-Shore Bay, que nous irons explorer sans trouver de mouillage aussi agréable que celui au bord de cette belle île parsemée d'agaves et aux rivages
de sable fin et blanc. En effet, les autres baies sont bordées d'immenses hôtels : l'architecture n'est pas si laide, mais elle dérange
malgré tout le regard.
Deux jours de grand soleil, de baignade dans une eau parfaitement tiède, de chasse aux coquillages et d'observation des tortues. Le début de la
saison cyclonique a rendu Antigua à la nature. Les mouillages sont quasiment déserts, nous permettant de savourer les bruits des vaguelettes, des oiseaux
et des poissons qui sautent autour du bateau - mais qui refusent de se laisser prendre - .
Quitter le lagon par le Nord est une opération à 6 yeux : 2 sur la barre et le cap, 2 sur le GPS et les cartes et 2 sur les fonds pour tenter
de repérer la passe étroite qui mène à l'Océan.
Jumby Bay et North Sound (04/06 - 05/06/2011)
Nous visitons à présent les lagons du Nord-Est d'Antigua. La première étape nous amène devant une immense plage de sable blanc.
Malheureusement, elle appartient à l'hôtel qui occupe tout Long Island. Vision de grand luxe : suites dans les pavillons dispersés
sur l'île, avec leur piscine privée, multiples et bars et restaurants (le tout à partir de 1000 USD la nuit). Mais là encore, il n'y a
pas foule : quelques clients viennent tourner autour du bateau en ski nautique. Pour nous venger, nous allons déranger la tranquillité de la plage
en jouant sur leur ponton flottant, après avoir ancré l'annexe près de la ligne des bouées de baignade.
Deux bateaux de voyage viennent mouiller près de nous en fin d'après-midi. Les enfants tentent de faire connaissance mais ces deux bateaux,
qui naviguent ensemble depuis plusieurs mois, sont trop en symbiose pour élargir leur cercle. Seul un des jeunes garçons viendra discuter
un peu avec nous dans la soirée. De toute façon, nous changeons d'endroit le lendemain pour explorer les alentours de Great Bird Island.
La première sortie en PMT est prometteuse mais notre enthousiasme est douché - littéralement - dans l'après-midi par l'arrivée d'une onde
tropicale qui assombrit le paysage et nous condamne pour quelques heures au carré du bateau. Elle daigne se calmer en fin d'après-midi, ce qui
nous autorise à une balade à pied sur l'île, où nous nous faisons attaquer par les mouettes furieuses que l'on empiète sur leur
territoire. Valentine et moi faisons une nouvelle exploration sous-marine mais la visibilité sous l'eau a été rendue mauvaise par les trombes
d'eau qui se sont abattues en début d'après-midi. Nous apercevons quand même quelques petits massifs de corail avec des perroquets et quelques
bancs de carangues - qui ne veulent toujours pas se laisser pêcher -.
Et un nouveau bateau de voyage français arrive, avec 3 enfants à bord...les enfants, qui n'ont absolument pas été perturbés par leur
expérience de la veille, partent tous les quatre en annexe pour tenter de faire connaissance. Cette fois-ci, le courant passe et nous nous
retrouvons avec Même Pas Cap' pour un apéro-goûter-dîner improvisé.
Saint-John et Deep Bay (05/06 - 08/06/2011)
Avant de passer sur la côte Ouest d'Antigua, nous repassons une nuit à Jumby Bay, devant la plage du grand hôtel, pour le coup désert
en ce début de semaine pluvieux.
Puis nous partons pour la visite de Saint-John, la capitale d'Antigua et pour cela, nous allons nous amarrer au Redcliffe Quay, le vieux
ponton en bois de l'ancien quartier de commerce, ponton qui se situe aujourd'hui entre les deux quais d'amarrage des paquebots de croisière.
Car Saint-John vit aussi à l'heure des paquebots. Tous les abords des quais ont été aménagés avec des magasins de luxe dans de petites maisons
colorées. Un seul bateau est attendu ce mois-ci, la morte saison a commencé. Aujourd'hui, nous sommes donc la petite attraction locale.
Nous voyons défiler des personnes en quête d'un peu d'argent en échange de petits services (nous débarrasser de nos poubelles, surveiller notre
bateau !?...) ou de rien. Après quelques courses de frais et une visite de la ville sous la pluie qui nous emmène jusqu'à la cathédrale, massive,
en pierres grises, sur son promontoire, mais en cours de restauration (elle en a bien besoin), nous quittons le dock pour aller passer la nuit
dans une baie plus au Sud.
Nous mouillons donc à Deep Bay dont l'entrée est marquée par l'épave du bateau Andes, coulé depuis plus de cent ans. Belle plage, petit fort
en ruines sur la colline, belles villas sur les hauteurs...
Même Pas cap', qui a fait escale à Jolly Harbour pour son avitaillement nous rejoint le lendemain. Avant de partir ensemble vers Montserrat,
nous partageons un peu de snorkeling sur l'épave et les enfants se retrouvent avec joie, filles sur un bateau et garçons sur l'autre.
Les séances de PMT sur l'épave n'effraient ni Raphaël, ni Valentine : pendant que l'un estime la longuer du navire coulé (50 fois la hauteur de
Papa !), l'autre traque les poulpes dans les recoins. Vision fantomatique de cette carcasse dont la proue affleure presque tandis que la cheminée
rouillée, qui dépasse de la surface de l'eau, marque son emplacement. Tout un milieu sous-marin s'y est recréé : algues, coraux de toute sorte,
anémones, nurseries de gorettes, écureuils et snappers qui jouent à cache-cache. Notre exploration est limitée car l'eau est un peu trouble et nous
n'avons pas de bouteilles. Dommage aussi que nous ayions noyé notre appareil photo, anciennement étanche, maintenant corrodé et
hors d'usage...
Montserrat positive (09/06 - 11/06/2011)
Bonnes conditions pour aborder Montserrat, dont les mouillages - enfin le mouillage - est réputé très inconfortable : beau temps
et vent de Sud-Est. Malgré cela, cela roule un peu et on a quelquefois l'impression que le bateau, même ancré, va être projeté
sur la plage...
En arrivant par la côte au vent, on commence à apercevoir les traces laissées par les éruptions de la Soufrière de Galway, qui a
entrepris de se réveiller en 1995. Une grande coulée de cendres et de boue s'avance dans la mer, par dessus feu l'aéroport de l'île.
Les bleus de la mer, le vert des collines et le gris sinistre des cendres et des nuages coincés sur le cratère laissent une impression
étrange de majesté et d'inquiétude.
(NDLR : sur la photo, c'est bien Rumba, pris en photo par Même Pas Cap', devant Plymouth lorsque que nous quittons Montserrat pour Deshaies.
Nous sommes complètement face au vent, sous moteur + GV, en train de prendre un ris. Ce n'est que plus tard que nous pourrons sortir le génois...)
En compagnie des Même Pas Cap', nous partons visiter l'île avec Moose et Cecil. Nos deux chauffeurs-guides sont souriants, on ne peut plus
aimables et répondent gentiment à nos questions d'européens curieux. L'histoire récente de Montserrat ne peut laisser indifférent : à peine
remise des conséquences du cyclone Hugo (qui est passé en 1989), elle subit les caprices de sa soufrière. Celle-ci se réveille doucement et
est placée sous étroite surveillance. En 1995, les pluies de cendres se faisant de plus en plus fréquentes et le dome de lave visqueuse grandissant,
les autorités prennent la décision d'évacuer tout le Sud de l'île, là où se situent toute l'activité économique et agricole et sa
capitale Plymouth. La ville désertée sera ensevelie sous les cendres qu'explose le volcan à plusieurs reprises entre 1995 et 2009. Des
flots de boue dévalent également parfois ses pentes, comblant progressivement les lits des rivières. Des canyons se creusent avec les
secousses sismiques générées par l'activité du volcan.
Avec ces événements, Montserrat passera de 13.000 à 2.500 habitants, ceux-ci ayant été aidés par le Royaume Uni pour recommencer ailleurs,
dans les ex-colonies anglaises (Antigua, St-Kitts..) ou en Grande-Bretagne même. Puis la population est progressivement remontée à 4.500
âmes, grâce à des espagnols et des guinéens venus s'installer sur ce territoire réduit, où tout est à reconstruire. Le seul grand hôtel de
l'île a fermé, les belles maisons des riches retraités anglais ont été désertées. Beaucoup sont à vendre en bordure de la zone d'exclusion :
de très grandes villas avec piscine bordées de jardins luxuriants. Mais les habitants positivent. Moose répète ce mot sans cesse : "Positive !"
Territoire anglais, ils reconstruisent, aidés, des villages, des "centres d'affaires", l'aéroport, l'unique hôtel...il y a même un projet de
marina...car les seuls touristes sont les plaisanciers.
Peu de gens viennent d'Antigua pourtant à un peu plus d'une heure de ferry. Même s'il n'y a qu'un hôtel, il y a quelques guest-houses. On comprend
que les investissements soient hésitants, compte tenu que tout peut finir rayé de la carte. Mais il y a des gens qui y croient. Et nous sommes
touchés par leur enthousiasme flegmatique, façon Caraïbes. Malgré donc cette drôle d'ambiance, nous passons de très bons moments sur cette
petite île, que l'on surnomme aussi Emerald Island. Là où le volcan n'a pas encore sévi, la forêt est bien présente. Il faudra par contre des siècles
pour que la végétation reprenne ses droits sur les coulées grises.
Deshaies et son très beau jardin botanique (11/06 - 13/06/2011)
Après Montserrat, nous retrouvons la Guadeloupe par le Nord-Ouest, à Deshaies, mouillage que nous n'avons pas encore expérimenté.
Jolie baie au fond de laquelle se trouve le petit village, organisé autour de ses deux rues principales parallèles. Nous suivons les
conseils des Marcazzan en choisissant de dîner à la pizzeria. Allez savoir pourquoi, la fin du voyage approchant, nous avons de moins en
moins envie de faire la cuisine ! Quelques habitués de la tournée des bars font ici une halte pour un Ti'punch ou un rhum vieux. La direction
du restaurant nous en offrira un en dessert et nous félicitera pour la conduite de nos enfants à table (!). La petite discussion de fin de dîner
avec le pizzaïolo et la serveuse nous met du baume au coeur ; cela se voit que nous sommes en voyage : nous serions patients, nos enfants
dégourdis et osant entamer une discussion avec les adultes...Soit ! Quand ce sont les autres qui le disent...
La belle surprise de Deshaies, c'est son jardin botanique. Ayant décidé de rester dans la baie le dimanche, nous nous offrons cette promenade.
Nous profitons de l'invitation qui nous est faite au ponton des annexes d'appeler pour qu'une navette vienne nous chercher, nous évitant ainsi
de grimper la colline sur 1 kilomètre et demi (raide cette colline ! Courageux, nous ferons la descente à pied...). La promenade s'annonce compromise
car les nuages, coincés sur le relief, entreprennent de déverser des seaux d'eau toutes les 5 minutes. Les arbres ont beau faire un bon rempart
contre la pluie, celle-ci est tout de même trop intense. Et bien sûr, nous avons laissé nos capes de pluie à bord.
Au bout de quelque temps de négociation, j'obtiens 3 parapluies du Jardin Botanique en laissant en caution les clés du bateau. Le jardin est vraiment
beau. C'est un véritable plaisir pour les yeux. Certaines espèces sont stupéfiantes : l'orchidée qui sent mauvais, la rose de porcelaine,
les balisiers à foison, les ficus géants, les feuilles à trous, les cactées, l'arbre crayon. Nous avons rencontré beaucoup de ces espèces au cours
de notre voyage et c'est ici un lieu qui les rassemble toutes. Nous pouvons mettre un nom sur les gommiers rouges, ces arbres au tronc droit qui
pèle comme un oignon mais aux branches si tortueuses, et bien d'autres encore. D'accord, en Dominique, on trouve toutes les fleurs rassemblées
ici sur le bord de la route ; en Guadeloupe, notamment aux Saintes, c'est dans les jardins.
Seule déception, beaucoup d'orchidées, qui s'installent dans de nombreux arbres, ne sont pas actuellement en fleur. Les enfants seront tout de même
ravis des petits perroquets tout colorés qui se posent facilement sur les épaules des visiteurs pour peu qu'on leur présente un peu de nectar...et fascinés
par le bassin aux nénuphars où grouillent quantité de carpes du japon, qui, bouche ouverte, attendent la nourriture que les passants voudront
bien leur jeter. Mais ce dernier spectacle, on peut facilement le voir ailleurs...
Autre chose à noter : depuis Montserrat, les flamboyants sont en fleurs : de magnifiques gerbes rouges parsèment également les collines vertes de Guadeloupe.
D'habitude, il s'agissait de timides bouquets mais depuis quelques jours, c'est l'explosion.
On remballe... (14/06 - 19/06/2011)
Pour notre dernière semaine, nous avons retrouvé les Saintes. Passage obligé compte tenu de la configuration de la Guadeloupe. Nous
avons bien sûr encore une fois navigué contre le vent...Les quelques 30 milles qui séparent Deshaies de l'Anse du Bourg ont donc
été un peu longs à parcourir. Nous arriverons quand même à une heure qui nous permettra d'offrir aux enfants leur dernière glace.
Le lendemain, nous sommes rejoints par Même Pas Cap' à l'îlet Cabrits. Nous terminons donc notre voyage dans l'amitié et la bonne
humeur. Les enfants s'entendent à merveille et débordent d'idées pour inventer des jeux. Difficile parfois d'en comprendre les règles...
Puis c'est la remontée vers Pointe-à-Pitre, toujours contre le vent, à croire que le vent change exprès en fonction de notre programme
de navigation. A la marina, nous retrouvons les Mercy, nos voisins de Suresnes qui investissent le bateau qui va leur permettre de naviguer
dans les petites Antilles pendant deux mois. C'est l'occasion pour nous de commencer à vider le nôtre : nous leur transmettons, outre
du matériel utile pour leur voyage, notre fond d'épicerie. Nous partageons aussi quelques informations ; en quelque sorte, nous passons le
relais.
Notre dernier mouillage sera l'îlet du Gosier pour deux jours, histoire de passer un peu de temps avec les Mercy et de
continuer le grand rangement. Cela permet d'allier moments de détente et choses moins drôles : trier toutes les affaires en faisant trois
tas (poubelle, à voir, à rapporter), commencer à remplir les sacs de voyage en se disant que tout ne rentrera jamais, reprendre espoir
au fur et à mesure que l'on voit les placards et les équipets se vider. Près d'un tiers de nos habits finiront à la poubelle, avec les
25 kg du CNED...et bien d'autres choses rongées par le soleil et le sel.